« Corpus sanum in domo sano »[1]
Disons que vous êtes un nouvel administrateur… Vous êtes content d’avoir été élu, vous êtes plein d’énergie, de bonnes idées et de bonne volonté. Vous faites le tour de tout ce que vous avez hérité de l’ancien Conseil d’administration, tous les documents, contrats et comptes de banque du bâtiment.
Votre bâtiment montre une belle architecture, des façades bien entretenues, propres. En apparence, aucune inquiétude. Sauf que depuis quelque temps, les copropriétaires se plaignent.
- Celui de l’unité 203 vous avise que la fumée de cigarette de son voisin le dérange.
- Celui de l’unité 617 vous informe que la chute à déchets commence à montrer des signes de moisissure sur les rebords des couvercles.
- Les murs et les cadres des portes commencent à donner signes d’humidité et de pourriture.
- Le copropriétaire de l’unité 325 trouve qu’une de ses boîtes est pourrie, dans son casier au sous-sol.
- Les joints des briques commencent à se détruire plus rapidement que d’habitude.
- De plus, vous recevez la facture d’Hydro-Québec : wow ! Un montant faramineux joue devant vos yeux incrédules.
- Vous essayez de trouver le problème, sans vraiment savoir par où commencer…
Premièrement, sachez que tous ce genre de questions et de plaintes sont liés aux systèmes de ventilation de votre bâtiment. Il y a donc sûrement un déséquilibre dans le fonctionnement des systèmes mécaniques de ventilation/chauffage. Ceci mène à des plaintes des utilisateurs concernant la qualité de l’air dans leurs unités et à des factures très élevées de consommation d’énergie (électrique et/ou gaz naturel).
Comprenons maintenant comment en sommes-nous arrivés là. Avec le temps, les personnes impliquées dans l’opération et l’entretien du bâtiment, changent. Les administrateurs démissionnent ou ils déménagent. Le concierge peut, lui aussi, quitter. Un autre prend sa place. Toutes ces personnes, avec une très bonne intention, prennent des décisions au sujet de l’opération des systèmes mécaniques. Par exemple, le concierge décide de fermer le système d’apport d’air frais dans les corridors, parce qu’il pense que celui-ci consomme trop de gaz naturel pour rien. Dans un autre bâtiment, le CA décide de laisser fonctionner son système d’apport d’air frais dans les corridors en tout temps, pour assurer une bonne qualité de l’air. Il y a aussi un système de ventilation dans la salle à déchets. Est-ce que ce dernier doit fonctionner en tout temps ?
Ces décisions sur des systèmes qui ont été initialement conçus par un ingénieur et considérés dans leur ensemble, sont prises, avec le temps, par des personnes qui n’ont pas nécessairement des notions techniques. Ce qui mène finalement à ce qu’on appelle le «Syndrome du bâtiment malsain». Si certaines personnes ont décidé, avec le temps et leurs attributions, de fermer, de condamner ou de modifier le fonctionnement pour divers raisons, le bâtiment souffre durant de longues périodes d’infiltration d’air non-désiré ou d’exfiltration d’air, qui représente un gaspillage d’énergie et aussi du budget d’opération.
Voici des pistes de compréhension et de solutions pour vous, sujet par sujet :
A. En théorie, il faut considérer le bâtiment comme une entité globale : le volume d’air qui entre dans le bâtiment doit être égal au volume d’air qui sort du bâtiment. C’est ce qui est appelé « équilibre aéraulique ». Ceci est la clé du problème.
B. Normalement il y a plusieurs systèmes de ventilation dans un bâtiment comptant plusieurs étages, assurant une qualité de l’air dans des endroits comme :
- Les corridors;
- Le garage, en opération normale ou en urgence (sur détection de gaz nocifs);
- Les salles mécaniques;
- Les casiers;
- La salle des moteurs des ascenseurs;
- Le hall d’entrée, etc. Chaque système a son rôle et son importance dans l’ensemble du bâtiment.
C. Symptômes d’une mauvaise qualité de l’air intérieur :
- Impacte sur la construction :
- Moisissure
- Transfert des odeurs d’une unité à une autre
- Transfert des odeurs par le corridor ou autre aire commune
- Diminution de la durée de vie de l’enveloppe ou de ses éléments
D. Impacte sur les occupants (« syndrome du bâtiment malsain ») :
- Maladies respiratoires (asthme, essoufflement)
- Mal de tête, fatigue exagérée
- Allergies
- Maladies dermiques (démangeaisons, irritations de la peau)
- Problèmes cardiaques
E. Les causes les plus courantes qui provoquent une mauvaise qualité de l’air intérieur sont :
- Problèmes de ventilation, mauvaise circulation de l’air, température et humidité ambiante non-appropriée dans certaines zones;
- Diffuseurs d’air mal-placés ou obstrués intentionnellement;
- Contaminants intérieurs (poussière non-éliminée, tapis, etc.)
- Air frais insuffisant;
- Eau stagnante (humidificateurs, bacs d’eau, plantes, etc.)
- Manque d’isolant mural intérieur, qui permet le transfert de la fumée de cigarette d’une unité à une autre;
- Isolant dans l’enveloppe insuffisant : moisissure sur les ponts thermiques;
- Arrêt non-justifié de certains systèmes de ventilation durant le fonctionnement d’autres.
En conclusion, si vous décelez un ou plusieurs de ces symptômes, il faut faire appel à un ingénieur en mécanique du bâtiment, plus spécifiquement en ventilation. Assurez-vous de demander son permis de l’Ordre des ingénieurs du Québec valide et ses assurances responsabilité professionnelle.
En principe, l’ingénieur devrait passer par les étapes suivantes :
- Décider d’engager ou non un laboratoire externe d’analyse de la qualité de l’air;
- Revoir les documents de construction du bâtiment et les « tel que construit »;
- Inspecter visuellement chaque système, recueillir des informations quant à leur fonctionnement actuel;
- S’assurer de l’état de tout ventilateur, volets motorisé, persienne, actuateur, serpentins de chauffage/refroidissement, filtre et de tout autre élément faisant partie des systèmes HVAC. Vérifier s’ils sont fonctionnels et l’entretien à jour;
- Comparer les séquences d’opération d’origine avec le fonctionnement actuel;
- Émettre un rapport, faire des recommandations
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime que 30-35% des bâtiments nouvellement construits sont atteints de ce problème. Soyez vigilants et à l’écoute des occupants : ce sont eux qui vous donnent les premiers indices. N’oubliez-pas, selon Santé Canada, les Canadiens passent plus de 90% de leur temps à l’intérieur…
[1] Trad. Latin: « Un corps sain dans une maison saine »